Ceci n’est pas un journal du confinement
Puisque nous sommes entre nous, je vous donne mon avis sur le confinement.
Je m’exprime peu publiquement sur la crise actuelle car j’estime que n’ai pas la légitimité ni les compétences pour le faire. Je lis et me documente en revanche beaucoup.
Puisque nous sommes entre nous, je vous donne mon avis sur le confinement.
Pour moi c’est un sentiment bizarre, entre cauchemar, opportunité à saisir et parenthèse surréaliste. Et pourtant je ne suis pas à plaindre (et ne me plains pas) : d’une part je suis depuis de longues années habitué au télétravail et à bosser chez moi plusieurs jours d’affilée. D’autre par nous avons la chance de résider dans un logement suffisamment spacieux avec petit jardin-cour privatif dans un quartier déjà très calme en temps normal, pas d’enfants en bas âge et seulement mon fils de 23 ans à la maison en télétravail pour son stage étudiant. Chacun dans une pièce à chaque bout de l’appartement, on se croise pour prendre un café ou taper la discute ou dans une balle, comme deux collègues lointains de bureau, donc aucune promiscuité. Mon épouse continue à se rendre sur son lieu de travail, et pour cause, elle est responsable d’un service en hôpital public. C’est pour elle que c’est le plus difficile en ce moment, elle est sur le pont en gestion de crise, mais elle n’est pas du genre à se laisser abattre 🙂
Je pense que le gouvernement a imposé une mesure stricte mais qui laisse intelligemment une soupape de décompression en autorisant les gens à sortir un peu pour des raisons sérieuses et valables. Car il me semble que confiner les gens 24/7 pendant une durée indéterminée serait absolument intenable, et pourrait même conduire à des effets pires que ceux provoqués par le virus lui-même.
A condition bien sûr que les consignes soient respectées.
Ce que je fais : courses alimentaires à la supérette à 300m de chez moi, petit footing de 30 minutes le soir dans mon quartier en évitant soigneusement de croiser qui que ce soit à moins de 5 mètres (tip : comme il n’y a pratiquement plus de trafic, je cours au milieu de la chaussée).
Le problème évidemment – vous me voyez venir – ce sont les autres 🙂
Hier sur une esplanade à proximité de chez moi il y avait presque autant de monde qu’un jour normal : des promeneurs, des couples, des vélos, des pères qui jouaient au ballon avec leurs enfants, et pas grand monde avec un charriot de course ou en tenue de sport… J’étais éberlué de voir ça.
Mais peut-on les blâmer ? La fameuse attestation dérogatoire de déplacement ouvre la porte à toutes les possibilités et interprétations, et comme rien n’est informatisé, impossible d’utiliser la data pour tracer et restreindre réellement les gens (de toute façon le RGPD ne le permettrait sûrement pas et la CNIL ramènerait encore sa fraise).
Je pense cependant que certaines réactions sont excessives : il me semble qu’il vaut mieux faire un tour de vélo de quelques petits kilomètres sur un sentier désert en pleine campagne que faire le tour de son quartier en footing pendant 20 mn en croisant du monde tous les 10 mètres. Le risque d’accident qui encombrerait les urgences ? Il y a en France 2 millions de chutes et 400.000 brûlures graves par an à domicile, et 20 000 morts par accidents domestiques. Va-t-on interdire le bricolage et le sport à la maison pendant le confinement ?
D’autre part je ne suis pas certain que stigmatiser une famille citadine qui s’installe et s’isole dans sa maison de campagne (« Hey, le confinement c’est pas des vacances hein ! »), après avoir fait le trajet en voiture fermée et en respectant à la lettre les consignes d’isolement et de confinement sur place, soit justifié. On peut comprendre que pour certains, la perspective de passer des semaines enfermés dans un petit appartement sans ouverture sur l’extérieur (balcon ou terrasse) avec plusieurs enfants alors qu’on a une alternative en maison individuelle à la campagne, la montagne ou la mer, soit difficile à envisager.
Voyant tout cela, j’ai vraiment peur qu’avec l’ambiance actuelle de manque de civisme d’une part, et de moralisme excessif d’autre part, le gouvernement mette un tour de vis supplémentaire et interdise purement toute sortie autre qu’alimentaire ou médicale. C’est ce qui nous pend au nez…
Ça, pour le coup, ça me fiche plus la trouille que le virus lui-même.
PS : je ne parle jamais de ma vie privée et encore moins de mes petits soucis personnels, mais je vais faire une exception exceptionnelle car on est dans le contexte : je me suis auto-confiné depuis déjà plusieurs mois puisque j’ai choppé une mononucléose infectieuse bien cognée au début de l’hiver et que j’ai soigneusement fait gaffe de ne pas la transmettre. Là ça va mieux, on peut dire que c’est réglé, mais du coup si j’attrape le COVID-19 si ça se trouve je ne m’en rendrai même pas compte 🙂