Comment Google fait la cour à la Chine
Cette semaine, plusieurs médias révélaient que Google tentait de faire son retour en Chine, pays dans lequel il n’a pas mis les pieds depuis maintenant huit ans, en raison des règles de censure.
Une tentative qui pourrait marquer une renaissance fracassante tout en remettant en question l’éthique de l’entreprise.
Huit ans en arrière, 2010. Le moteur de recherche fait ses valises alors qu’il a conquis 36% des parts du marché, s’effaçant au profit du local Baidu. Il faut dire que l’outil de la firme avait été la cible de nombreuses cyberattaques visant spécifiquement des activistes favorables aux droits de l’homme. À l’époque, cette décision marquait également une prise de position forte de l’américain, qui semble dire non aux règles de censure appliquées au web chinois. Cette même année, la majorité des services tels que Gmail et YouTube accompagnent le départ du moteur de recherche.
Néanmoins, il semblerait que l’entreprise américaine soit en train de songer à faire son retour en République populaire de Chine. Le fait que le pays compte 772 millions de personnes connectées à travers le pays, soit 2,5 fois plus qu’aux États-Unis, n’est certainement pas un élément qui a dû laisser Google de marbre. Depuis des années maintenant, le PDG de Facebook Mark Zuckerberg s’applique lui aussi à brosser l’empire du Milieu dans le sens du poil. S’il a appris le mandarin, l’entrepreneur fait face à la grande muraille électronique depuis 2009. Presque 10 ans désormais qu’il tente de se faire une petite place aux côtés de WeChat et Weibo. En 2017, Facebook avait tout de même tenté de lancer une application dans laquelle le nom de l’entreprise n’apparaissait pas, Colorful Balloons. Un an auparavant, le PDG travaillait également à la conception d’un outil visant à censurer certaines informations dans une zone géographique donnée.
Revenons à Google. D’après de récents documents, celui-ci travaillerait sur un large projet baptisé « Dragonfly ». En décembre 2017, Sundar Pichai, le directeur général de l’entreprise aurait rencontré Wang Huning, un des sept membres du comité permanent appartenant au Parti communiste. Ce dernier est également en charge de la politique extérieure de l’actuel président Xi Jinping. Si le projet venait à être approuvé par les autorités, un moteur de recherche signé Google et, surtout, compatible avec les règles de censure, pourrait être lancé dans six à neuf mois. Au programme, des pages de résultats de recherche qui n’affiche aucune information sensible, en lien avec certaines œuvres ou certains événements du pays par exemple. Une application serait également en prévision dans le pays, semblable à celle conçue par le chinois ByteDance. Tout comme Toutiao, celle-ci permettrait aux utilisateurs de lire des contenus propulsés par une intelligence artificielle.
En 2017, la Chine avait déjà autorisé l’application Google Translate dans le pays, signe d’une légère amélioration des relations commerciales avec l’entreprise. Début d’année, un laboratoire de recherche sur l’intelligence artificielle a été ouvert au sein de l’empire du Milieu.
« Une caution aux abus du gouvernement chinois »
Chercheuse senior sur la Chine auprès de la division Asie de Human Rights Watch, Maya Wang s’inquiète des conséquences de ce projet. Elle développe : « Ils risquent [Google] d’apporter une caution aux abus du gouvernement chinois. Quant à la protection de la vie privée des utilisateurs, il est de plus en plus difficile de la respecter depuis la loi sur la cybersécurité [de 2017] qui oblige les entreprises en Chine à collaborer aux enquêtes de police ».
« Don’t be evil », disait Google. Un slogan que l’entreprise a peut-être finalement bien fait de changer pour « Do the right thing » en 2015.